Droit des successions : Avant le décès


Si étonnant que cela puisse paraître, le problème des successions se pose du vivant de la personne (généralement appelé le « decujus » -celui dont il s’agit- pour éviter, par superstition, de parler du mort, surtout quand il ne l’est pas encore).

Une succession se prépare et c’est un devoir moral de chacun, surtout s’il a quelque patrimoine, d’y penser à temps : la rédaction d’un testament n’a jamais tué personne. Je pense, au contraire, à une cliente, tourmentée d’être laissée à l’abandon par l’un de ses enfants, alors que l’autre, qui s’occupait d’elle, avait des difficultés matérielles sérieuses, qui ne se décidait pas à prendre un papier et à écrire ses dernières volontés. Je l’ai aidée à rédiger un testament olographe. Quand elle m’a quitté, moins d’une heure plus tard, elle m’a dit : « Merci. Maître, maintenant je peux mourir tranquille »

Reste à savoir ce qu’il faut faire, quand et comment.

Evidemment, si l’on a un ou plusieurs enfants, un patrimoine peu important, et que l’on n’ait pas de raison de privilégier l’un ou l’autre, il n’y a rien à faire, la loi s’en charge.

Si le patrimoine est important, on peut songer à une donation-partage devant notaire. Cet acte est établi, si possible, en concertation avec tous les enfants (ou petits-enfants venant en représentation de leur parent décédé), en expliquant à chacun pourquoi on lui attribue tel bien plutôt que tel autre. Les contestations ultérieures sont rares, puisque chacun a pu faire valoir son point de vue. La donation-partage a cependant un inconvénient : c’est qu’elle fige la situation et que le père de famille ne peut pas y revenir, même si les circonstances changent, par exemple s’il se fâche avec l’un de ses enfants : elle ne doit donc pas être faite trop tôt.

L’autre moyen de préparer sa succession est le testament, qui a l’avantage de présenter beaucoup de souplesse, puisque, tant que l’on est lucide, on peut le révoquer, le modifier ou le compléter.

Deux formes sont habituellement utilisées : le testament authentique, devant notaire, et le testament olographe.

Le testament authentique a un caractère solennel : il doit être établi, sous la dictée du testateur, soit par deux notaires, soit par un seul notaire mais en présence de deux témoins. La présence du bénéficiaire est déconseillée. L’avantage du testament authentique est sa conservation : il est déposé aux minutes du notaire et son existence est signalée au Fichier des Dispositions de Dernières Volontés situé à VENELLES (près d’AIX EN PROVENCE). Par contre, le testament authentique présente un gros défaut : sa rigidité. La vie n’est pas une longue ligne droite et il arrive souvent que les familles se décomposent et se recomposent, que les amitiés se défassent, qu’au contraire d’autres liens se créent, que des abandons se produisent ou que des dévouements méritent d’être récompensés. Le testateur hésitera souvent à adapter son testament aux circonstances, car il faut retourner chez le notaire, convoquer des témoins (dont la présence peut paraître inopportune), payer des frais.

D’où la supériorité, à notre sens, du testament olographe, c’est-à-dire rédigé à la main par son auteur. Il n’exige, pour sa validité, que d’être entièrement écrit, daté et signé de la main du testateur. La mention « ceci est mon testament » n’est pas même exigée, pas plus que l’affirmation, un peu ridicule, que l’on est « sain de corps et d’esprit »…

On peut, évidemment, se faire conseiller, que ce soit par un avocat spécialisé ou par un notaire. Le grand avantage du testament olographe est qu’il peut être modifié, complété, ou révoqué, en quelques mots (et même au bas du testament initial, par une mention appelée « codicille »), sans sortir de chez soi, chaque fois qu’il apparaîtra nécessaire : survenance d’un nouveau bénéficiaire, désir d’amoindrir une part ou d’en priver son bénéficiaire, bien nouveau à attribuer ou à distribuer…Le seul problème du testament olographe est sa conservation : il est dangereux de le garder chez soi. On le remettra donc, généralement sous pli cacheté, à une personne de confiance. On peut aussi le remettre au bénéficiaire lui-même, qui n’a aucune raison de le détruire et qui prendra la précaution de le remettre, toujours sous pli cacheté, à son notaire, pour qu’il soit mentionné au fichier national. On peut encore en faire plusieurs exemplaires, confiés à des personnes différentes, mais il ne faut surtout pas indiquer le nombre d’exemplaires : il a été jugé qu’en pareil cas, tous les exemplaires devaient être produits, car il était à craindre que celui qui manquait ait été modifié ou complété (par un codicille) par le decujus.