Petit vade-mecum autour d’une notion qui n’existe pas: la « captation d’héritage ».   Mise à jour récente !


La vulgarisation sur internet n’a pas que du bon, loin s’en faut…

On y trouve toutes sortes d’amalgames qui, à force d’être reproduits et exploités, conduisent même les juristes à raisonner sur des thèmes parfaitement absents de la sphère juridique.

Ainsi fleurissent « Le délit de captation d’héritage » et autres raisonnements fumeux distinguant selon que l’auteur de la captation serait héritier (dans lequel cas il commettrait un recel successoral) ou tiers à la succession, commettant alors une « captation d’héritage, détournement d’ailleurs de nature civile ».

Les justiciables s’y trompent, sourcil froncé et soupçonneux lorsque leur avocat le leur indique, les avocats aussi peuvent quelquefois s’y égarer et conclure en ce sens.

La captation d’héritage, en droit, ça n’existe pas.

S’il fallait l’inventer ce pourrait être le contenu d’une petite bourse en cuir, fourre-tout  magique porté par l’avocat autour du cou et duquel il sortirait, sous incantations rauques, quelques poudres utiles à la guérison des plaies successorales…

La captation elle-même (du verbe capere – saisir, prendre, contenir) n’induit pas forcément une préhension frauduleuse. En matière de succession il pourrait donc s’agir de « prendre ses droits », c’est à dire d’hériter, tout simplement…

Procédons donc par la négative puisque, positivement, cette notion ne peut être définie faute d’existence.

La captation d’héritage ce n’est pas :

  • Le recel de succession :

Délit civil défini et réprimé aux dispositions de l’article 778 il s’agit, pour l’héritier seul, de dissimuler un bien, un droit, ou l’existence d’un cohéritier, volontairement et dans le but de rompre l’égalité du partage. Le receleur doit ramener le bien à la masse successorale et ne pas en prendre sa part, lors du partage.

  • L’abus de faiblesse :

Délit pénal prévu et réprimé aux dispositions de l’article 223-15-2 du Code pénal, il vise des faits qui ne sont en rien spécifiques à la matière des successions, aux personnes âgées, ou à la sphère patrimoniale.

Il s’agit de profiter de la particulière vulnérabilité d’une personne afin de la conduire à faire -ou s’abstenir de faire – des actes qui lui sont particulièrement préjudiciables.

  • Le vol :

Délit pénal large consistant à soustraire frauduleusement la chose d’autrui, la jurisprudence considère curieusement qu’il peut être commis et sanctionné entre héritiers et après le décès, malgré l’indivision ou le démembrement qui les lie, réduisant de ce fait l’exigence que la chose soit « celle d’autrui » car elle est aussi celle de l’auteur du vol (Cass. crim 12/05/2015 13-87.668)…

  • Le bénéfice d’une assurance vie :

Par principe hors succession, l’assurance vie et les primes qui y ont été versées ne peuvent réintégrer la masse successorale que sous certaines conditions strictes et dans des hypothèses très différentes (insanité mentale de l’assuré lorsqu’il modifie la clause bénéficiaire mais sous les conditions restrictives de l’article 414-2 du Code civil, absence d’aléa lorsqu’il verse des primes importantes et exagérées sur L 132-13 du Code des assurances…)

  • Le don manuel et le cadeau d’usage :

Le don manuel est une donation, non spécifique à la sphère familiale, entre personnes vivantes, de tout ce qui n’est pas un immeuble. Il doit être déclaré, fiscalisé, il est rapportable et réductible en cas d’atteinte à la réserve, au contraire du présent d’usage qui en est la variante modeste et consentie à titre exceptionnel, sans autre conséquence au sens de l’article 852 du Code civil.

  • Le testament, la donation, l’assurance vie au regard de l’insanité mentale du gratifiant :

Les deux premiers modes de transmission, que le gratifié soit héritier ou non, s’attaquent conformément aux dispositions de l’article 901 du Code civil, l’insanité d’esprit et les vices du consentement étant à charge de démonstration par celui qui poursuit l’annulation de l’acte. Le troisième subit les restrictions de l’article 414-2 du code, nécessitant de démontrer que l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental, pour le majeur capable…

Vulgarisons, mais autrement.

Aucune juridiction n’a jamais condamné qui que ce soit pour captation d’héritage…

                                                                     Cédric CABANES

6/09/2019