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Des avantages fiscaux à la baisse

Le principal changement introduit par les nouvelles règles fiscales est l’abaissement à 100 000 euros du montant de l’abattement personnel applicable aux donations et successions en ligne directe, et l’allongement du délai de purge fiscale, porté à 15 ans. Concrètement, avant cette réforme, chaque parent avait le droit de donner jusqu’à 159 325 euros en franchise d’impôt à chacun de ses enfants, tous les 10 ans. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus donner en franchise d’impôt que 100 000 euros tous les 15 ans. Par exemple, un couple ayant deux enfants peut donc aujourd’hui effectuer des donations exonérées d’impôt à hauteur de 400 000 euros tous les 15 ans. Au-delà de ce montant, les donations seront soumises à l’impôt.

“Imaginons que ce couple ait un patrimoine de 1 million d’euros, il verra ses droits de succession passer à 36 000 euros, contre 12 000 avant la réforme”, illustre Pascal Renoncet. Le montant des donations hors ligne directe, lui, ne change pas, seul le délai de rappel fiscal est allongé à 15 ans, comme pour les donations en ligne directe. “Les grands-parents peuvent toujours effectuer 31 865 euros de dons en franchise d’impôt. Si l’on y ajoute les 31 865 euros de don d’argent autorisés, cela fait le double par grand-parent et par petit-enfant, à condition bien sûr que le donateur ait moins de 80 ans”, explique Cédric Cabanes. De même, on peut toujours donner, en franchise d’impôt, 15 932 euros à ses frères et sœurs, 7 967 euros à ses neveux et nièces, et 5 310 euros à ses arrière-petits-enfants.

L’indexation de l’abattement sur l’inflation, qui était effective jusqu’alors, a en revanche été supprimée : le montant de l’abattement ne suivra donc plus l’évolution des prix. Il en est de même pour le système de lissage qui avait été mis en place en 2011. À l’occasion du passage de 6 à 10 ans du délai de rapport fiscal, le législateur avait instauré un système permettant aux contribuables qui avaient réalisé une donation entre 6 et 10 ans avant la réforme de bénéficier d’un abattement progressif, en fonction de la date de donation, afin qu’ils ne se trouvent pas pénalisés. “Mais dès le 17 août 2012, soit à peine un an après, cette mesure a été abandonnée, ce qui est symptomatique de l’instabilité de l’environnement fiscal dans lequel on se trouve” explique Pascal Renoncet.


Transmissions plus précoces

Mais finalement, l’impact de cette mesure est tout de même à nuancer, du moins en ce qui concerne le plafond d’exonération des successions : “le patrimoine moyen des Français ramené au nombre d’enfants est largement inférieur à 100 000 euros de toute façon. Pour une grande partie des Français, le passage de 159 625 à 100 000 euros d’abattement n’aura donc aucune incidence. Et pour ceux dont le patrimoine se compte en millions, l’enjeu ne se joue pas à 50 000 euros d’abattement près”, rappelle Christophe Lenne, consultant au sein du groupe d’études et de conseil en gestion de patrimoine ICF. Selon les données du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2006, l’héritage moyen perçu par les Français était de 32 900 euros, très loin du montant maximum d’abattement. De plus, malgré la réforme, Christian Eckert, rapporteur PS de la loi, estime que 87 à 90 % des successions seraient encore exonérées après la réforme (contre 95 % avec les règles de la loi Tepa, et 78 % avant 2007).

D’autre part, “la donation peut, certes, s’insérer dans une stratégie ayant pour but de bénéficier d’abattements successifs et ainsi diminuer la fiscalité à la succession. Mais cela peut également simplement être un moyen d’aider ses enfants à s’installer de son vivant, rappelle Christophe Lenne. C’est notamment le cas pour ceux disposant d’un patrimoine modeste”.

En revanche, pour ceux disposant d’un patrimoine conséquent et souhaitant éviter des prélèvements importants, c’est l’allongement du délai de purge entre deux donations qui peut avoir l’impact le plus important, et c’est d’ailleurs ce qui inquiétait le plus les contribuables qui s’étaient précipités chez leur notaire pour hâter leur succession avant la réforme. “C’est une mesure dure, même si elle résulte de l’œuvre de deux gouvernements différents. Le délai est d’abord passé de 6 à 10 ans, puis encore à 15 ans, commente Cédric Cabanes, avant d’alerter : Un point que l’on oublie souvent est que le décès du donateur avant l’écoulement des 15 ans entraîne la refiscalisation de la donation.”

Il devient donc nécessaire de faire ses donations de plus en plus tôt et intégrer le paramètre de l’âge dans sa stratégie patrimoniale : “Quelqu’un qui reçoit 100 000 euros de parents très âgés a de très grandes chances de voir la somme refiscalisée lors de la succession, puisque le décès du parent entraîne la refiscalisation”, ajoute Cédric Cabanes. Une façon d’inciter à une redistribution intergénérationnelle plus précoce, à une époque où l’espérance de vie s’allonge tandis que la majorité économique s’atteint de plus en plus tard. Par ailleurs, cette mesure est rétroactive. C’est-à-dire qu’une personne qui aurait effectué une donation en 2011, pensant qu’elle ne serait soumise qu’à 10 ans de délai de rappel fiscal, ne pourrait pas effectuer une nouvelle donation, comme prévu en 2021, mais devrait attendre jusqu’en 2026. Et “La rétroactivité pose un vrai problème, car cela vient bouleverser en cours de route les stratégies que les particuliers avaient établies” commente Cédric Cabanes.


Démembrement favorisé

Néanmoins, même si le contexte s’est durci, toutes les stratégies ou placements utilisés jusque-là ne sont pas remis en cause. “Par exemple, entre conjoints, il est possible de faire jouer certaines clauses de son contrat de mariage. Et la fiscalité des assurances-vie n’a pas encore été touchée. Cela peut être intéressant de vérifier si l’on a atteint ses plafonds de placement en assurance-vie” conseille Christophe Lenne. Du moins pour l’instant : “même les dispositions relatives à l’assurance-vie risquent de changer”, prévient Pascal Renoncet.

Il est très probable, également, que se développe le recours au démembrement. En effet, la pleine propriété d’un bien se compose d’une part de l’usufruit – c’est-à-dire du droit d’en jouir, le vendre, le louer, l’utiliser… – et d’autre part de la nue-propriété, qui est le droit d’en devenir plein propriétaire à l’extinction de l’usufruit. La loi offre la possibilité de démembrer ces deux composantes de la pleine propriété. Chacune des composantes sera alors valorisée en fonction de règles de calculs établies par le Code civil, en fonction de critères tels que l’âge de l’usufruitier.

Or, comme bien évidemment, la valeur de la nue-propriété d’un bien est inférieure à la valeur de sa pleine propriété, il peut être intéressant de démembrer un bien pour passer en dessous du plafond d’exonération de donation par enfant, et ainsi donner en franchise d’impôt la nue-propriété à son enfant tout en gardant l’usufruit. La pleine propriété se reconstituera pour l’enfant au décès du parent usufruitier, sans qu’il n’ait à payer de droit de succession (à condition, bien sûr, que le décès n’intervienne pas avant le terme du délai de purge fiscale). Alors qu’en transmettant la pleine propriété en une fois lors de la succession, l’héritage aurait pu être soumis à l’impôt.