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Stratégies au cas par cas

Mais quelle que soit la stratégie choisie, il est important qu’elle soit mûrement réfléchie. “En cas de changement de sa situation personnelle, il est très difficile de revenir en arrière sur une décision de donation. Légalement d’une part, mais aussi parce qu’il n’est pas certain que le bénéficiaire le veuille : il y a souvent une belle-fille ou un gendre pour l’en dissuader. C’est pourquoi il faut être sûr de ne pas avoir besoin des biens dont on se sépare en donation, prévient Cédric Cabanes. Les stratégies de transmission de patrimoine ne doivent pas être uniquement fondées sur les évolutions des règles fiscales, mais vraiment au cas par cas, en fonction de sa situation propre.”

Car, au-delà des réformes fiscales, certaines tendances, telles que l’augmentation des divorces à un âge mûr, ou l’allongement de la durée de vie couplé avec la fragilité du régime des retraites, accroissent les besoins en patrimoine des contribuables. Ainsi, “imaginons des parents, bien installés, propriétaires d’un bien immobilier. Ils peuvent décider d’en garder l’usufruit et d’en donner la nue-propriété à leurs enfants pour bénéficier d’un abattement. Mais s’ils doivent se reloger, par exemple dans le cadre d’un divorce, ils devront faire face à des besoins financiers qu’ils n’avaient pas prévus. Or, ils ne disposent plus que de l’usufruit de leur bien, soit moins de la moitié de sa valeur. Cela peut vite se transformer en drame financier”, explique Cédric Cabanes. Certaines dispositions prises lors de la donation peuvent néanmoins les protéger.

“Si l’on opte pour le démembrement d’un bien, il peut être utile de prévoir, avec l’usufruitier, l’obligation de remploi des fonds en cas d’aliénation ou de vente du bien, c’est-à-dire que le nu-propriétaire bénéficiaire de la donation s’engage à acquérir en démembrement un nouveau bien avec l’usufruitier”, conseille Yann Poac, associé fondateur du cabinet Hipparque patrimoine, conseil en gestion de patrimoine. De même, avant d’effectuer des donations, il est important de s’assurer que l’on disposera du patrimoine nécessaire pour assurer sa retraite ou les imprévus. “Le bilan patrimonial permet d’effectuer un état des lieux du patrimoine, de comprendre ce dont on dispose, ce que l’on garde, ce que l’on donne, à qui, quand et sous quelle forme. C’est une base solide pour mettre en place une stratégie efficace et sans risques”, conclut Cédric Cabanes.

Sans compter les risques de conflits entre héritier au décès du donateur : “Après le décès, la plupart des donations et autres mesures de gratification peuvent être remises en cause lors du règlement de la succession. Lorsque l’on donne il est important également de savoir si la donation est stipulée hors part (ancien préciput) ou en avancement d’hoirie c’est à dire en avance sur la part de réserve dont le montant reste à déterminer … et ce quelque soit le montant des abattements”, ajoute ce dernier.


Transmission de patrimoine professionnel

Si elle n’est pas préparée, la transmission du patrimoine professionnel peut donner lieu à une très forte taxation. Mais heureusement, il existe plusieurs dispositions permettant d’alléger la fiscalité. La principale d’entre elles est le pacte Dutreil, qui a ensuite été modifié par la loi Jacob en faveur des PME en 2005. “En effet, les successions sont souvent génératrices de cessions d’actifs. Notamment parce que les héritiers ne sont pas forcément issus de la même formation ou du même métier que le chef d’entreprise. Et cela peut conduire à une mise en danger des emplois. C’est pour anticiper ces effets, et favoriser la protection des emplois, que le pacte Dutreil a été mis en place” explique Yann Poac, associé fondateur du cabinet Hipparque patrimoine, conseil en gestion de patrimoine. Concrètement, le pacte Dutreil permet de bénéficier d’une exonération à hauteur de 75 % de la valeur de l’entreprise… à condition de respecter un certain nombre de critères. La première chose est de signer un engagement collectif de conservation de 2 ans, reconductible par tacite reconduction, portant sur au moins 34 % des parts si la société n’est pas cotée, et 20 % si elle l’est.

Seules les parts comprises dans le pacte de conservation peuvent bénéficier de l’exonération. Dans un second temps, les donataires ou héritiers doivent à leur tour prendre un engagement individuel de conservation pour 4 ans, dont le point de départ est constitué au terme de l’engagement collectif. “Une autre condition est que l’entreprise doit être dirigée par l’un des signataires pendant au moins 5 ans, c’est-à-dire la durée de l’engagement collectif, et au moins 3 ans après la transmission. Mais cette condition est parfois difficile à remplir, surtout si aucun des bénéficiaires n’a les compétences adéquates” ajoute Yann Poac. De plus, la loi, qui a évolué depuis, permet également de protéger les chefs d’entreprise n’ayant pas signé d’engagement. En effet, ce dernier peut être réputé acquis si le donateur ou le défunt détenait 34 % (ou 20 %) des parts et a exercé une fonction de direction pendant au moins 2 ans.

“Il a même été mis en place la possibilité de signer un engagement collectif post-mortem : les héritiers ou donataires peuvent en signer un entre eux ou avec d’autres associés jusqu’à 6 mois après le décès du chef d’entreprise”, explique Yann Poac. Mais là encore, il est plus prudent de se faire accompagner par un professionnel. En effet, il existe des formalités administratives annuelles à effectuer, et un certain nombre de dispositions favorables aux transmissions familiales. Et le non-respect de l’engagement de conservation n’est pas sans conséquences.

Si c’est l’engagement collectif qui n’est pas respecté, les héritiers perdent simplement la possibilité de bénéficier du pacte Dutreil (sauf si un nouvel engagement est signé et respecté). En revanche, le non-respect de l’engagement individuel, lui, entraîne la redevance de droits rehaussés d’intérêts de retard de la part des héritiers ou donataires. “Or, l’exigibilité est immédiate, et cela peut poser problème car cela oblige, si l’on ne dispose pas des fonds nécessaires, qui peuvent être très importants, à vendre dans la précipitation. Ce qui n’est jamais idéal”, prévient Yann Poac.


Droit des successions : Avant le décès

Si étonnant que cela puisse paraître, le problème des successions se pose du vivant de la personne (généralement appelé le « decujus » -celui dont il s’agit- pour éviter, par superstition, de parler du mort, surtout quand il ne l’est pas encore).

Une succession se prépare et c’est un devoir moral de chacun, surtout s’il a quelque patrimoine, d’y penser à temps : la rédaction d’un testament n’a jamais tué personne. Je pense, au contraire, à une cliente, tourmentée d’être laissée à l’abandon par l’un de ses enfants, alors que l’autre, qui s’occupait d’elle, avait des difficultés matérielles sérieuses, qui ne se décidait pas à prendre un papier et à écrire ses dernières volontés. Je l’ai aidée à rédiger un testament olographe. Quand elle m’a quitté, moins d’une heure plus tard, elle m’a dit : « Merci. Maître, maintenant je peux mourir tranquille »

Reste à savoir ce qu’il faut faire, quand et comment.

Evidemment, si l’on a un ou plusieurs enfants, un patrimoine peu important, et que l’on n’ait pas de raison de privilégier l’un ou l’autre, il n’y a rien à faire, la loi s’en charge.

Si le patrimoine est important, on peut songer à une donation-partage devant notaire. Cet acte est établi, si possible, en concertation avec tous les enfants (ou petits-enfants venant en représentation de leur parent décédé), en expliquant à chacun pourquoi on lui attribue tel bien plutôt que tel autre. Les contestations ultérieures sont rares, puisque chacun a pu faire valoir son point de vue. La donation-partage a cependant un inconvénient : c’est qu’elle fige la situation et que le père de famille ne peut pas y revenir, même si les circonstances changent, par exemple s’il se fâche avec l’un de ses enfants : elle ne doit donc pas être faite trop tôt.

L’autre moyen de préparer sa succession est le testament, qui a l’avantage de présenter beaucoup de souplesse, puisque, tant que l’on est lucide, on peut le révoquer, le modifier ou le compléter.

Deux formes sont habituellement utilisées : le testament authentique, devant notaire, et le testament olographe.

Le testament authentique a un caractère solennel : il doit être établi, sous la dictée du testateur, soit par deux notaires, soit par un seul notaire mais en présence de deux témoins. La présence du bénéficiaire est déconseillée. L’avantage du testament authentique est sa conservation : il est déposé aux minutes du notaire et son existence est signalée au Fichier des Dispositions de Dernières Volontés situé à VENELLES (près d’AIX EN PROVENCE). Par contre, le testament authentique présente un gros défaut : sa rigidité. La vie n’est pas une longue ligne droite et il arrive souvent que les familles se décomposent et se recomposent, que les amitiés se défassent, qu’au contraire d’autres liens se créent, que des abandons se produisent ou que des dévouements méritent d’être récompensés. Le testateur hésitera souvent à adapter son testament aux circonstances, car il faut retourner chez le notaire, convoquer des témoins (dont la présence peut paraître inopportune), payer des frais.

D’où la supériorité, à notre sens, du testament olographe, c’est-à-dire rédigé à la main par son auteur. Il n’exige, pour sa validité, que d’être entièrement écrit, daté et signé de la main du testateur. La mention « ceci est mon testament » n’est pas même exigée, pas plus que l’affirmation, un peu ridicule, que l’on est « sain de corps et d’esprit »…

On peut, évidemment, se faire conseiller, que ce soit par un avocat spécialisé ou par un notaire. Le grand avantage du testament olographe est qu’il peut être modifié, complété, ou révoqué, en quelques mots (et même au bas du testament initial, par une mention appelée « codicille »), sans sortir de chez soi, chaque fois qu’il apparaîtra nécessaire : survenance d’un nouveau bénéficiaire, désir d’amoindrir une part ou d’en priver son bénéficiaire, bien nouveau à attribuer ou à distribuer…Le seul problème du testament olographe est sa conservation : il est dangereux de le garder chez soi. On le remettra donc, généralement sous pli cacheté, à une personne de confiance. On peut aussi le remettre au bénéficiaire lui-même, qui n’a aucune raison de le détruire et qui prendra la précaution de le remettre, toujours sous pli cacheté, à son notaire, pour qu’il soit mentionné au fichier national. On peut encore en faire plusieurs exemplaires, confiés à des personnes différentes, mais il ne faut surtout pas indiquer le nombre d’exemplaires : il a été jugé qu’en pareil cas, tous les exemplaires devaient être produits, car il était à craindre que celui qui manquait ait été modifié ou complété (par un codicille) par le decujus.